1 - L'adoration : lignes 1 à 8.
Pierre au pieds d'une sainte.
Champ lexical de la religion et de la passion mêlés expriment
ce sentiment trouble du fils pour la mère. A ce stade, Pierre s'en
veut d'avoir de telles pensées (2 : "je
suis fou") mais il ne peut s'empêcher de douter : forme interrogative
(4,5) et champ lexical du soupçon. Cette
partie s'achève sur une posture d'adoration : le fils, à
genoux aux pieds de la mère (en imagination seulement, 7
: "comme il l'eût", 8 : comme
il se fût", utilisation du conditionnel.)
2 - L'examen des faits : lignes 9 à 21.
Un mariage certainement sans amour.
- Le père n'est pas très intelligent (10,11
: "dont l'esprit n'avait jamais... boutique", périphrase
péjorative )
- Elle était, au contraire, jolie (12)
et tendre (13) => Deux personnages trop
opposés, différents.
Il s'agissait donc d'un mariage d'argent (21
: "sans tendresse"). Le foyer est décrit comme un lieu
d'intérêts économiques partagés. (Champ lexical
du commerce, lignes 15 à 21:
"doté", "magasin", "comptoir",
"intérêt commun", "ménages commerçants",
"travailler", "fortune espérée", "honnête")
3 - Le passage du général au particulier : lignes
22 à 32.
Sa mère était une parisienne.
Pierre utilise la logique, ainsi que l'image qu'il se fait des femmes,
et il plaque cette image sur sa mère. La conclusion de cet examen
surgit de façon implacable. Il construit le syllogisme
suivant :
- ligne 22 : toutes les femmes, jeunes, jolies,
parisiennes, tombent amoureuses.
- ligne 25 : sa mère réunissait
toutes ces caractéristiques. Donc ?
- ligne 26 : Pierre remue cette certitude
: sa mère est une femme comme les autres.
Aux lignes 28 à 32,
il trouve cependant des prétextes, des justifications
à son comportement hypothétique : sa jeunesse, sa solitude
face à un époux trop différent, son goût de
la lecture et des spectacles, le charme de cet inconnu... Il en profite
pour décrire une jeune fille rêveuse, romanesque, livresque,
prête à se laisser séduire par n'importe quel "prince
charmant" de pacotille.
4 - La violence de la révélation - ligne
33 à la fin du texte.
- Utilisation d'un vocabulaire argumentatif (26
: "certes", "car pourquoi", 33
: "Pourquoi pas ?", 34 : "rejeter
l'évidence", 35 et 36
: anaphore de "mais oui").
- Les questions oratoires (ponctuation interrogative des lignes
22 à 35)
se multiplient et leur évidente réponse frappe celui qui
se les pose.
- Une suite de concessions permet d'arriver à la question
centrale, ligne 35 :"S'était-elle
donnée ?" Cette question montre l'ingénuité
de Pierre qui a besoin d'une étape supplémentaire pour
admettre que sa mère peut être une maîtresse...
L'évidence enfin acceptée.
Pierre s'en veut d'avoir manqué de
lucidité, de clairvoyance (Ironie de sa supposition lignes 4
et 5 : "l'âme, la vie de cette
femme [...] n'étaient pas plus claires que l'eau ?")
Il en veut à son père borné
qui n'a rien vu et rien compris, à son frère
profiteur et bâtard qui hérite de tout, à ce mort
qui détruit l'univers familial, à
sa mère vénérée qui a réussi
à tromper tout le monde. Pierre se sent d'ailleurs plus trompé
que monsieur Roland lui-même (qui n'est au courant de rien).
La folie amoureuse du début du passage devient furie meurtrière,
après un intermède durant lequel la logique et la raison
avaient semblé l'emporter.
La synecdoque de la main meurtrière (39
: "sa main grande ouverte avait envie de...") montre ce dédoublement
de la personnalité de Pierre, et la gradation
dans le choix des victimes montre bien qui sont les êtres
les plus importants pour lui : il termine par sa mère...
Conclusion : Malgré toutes ces déductions, pas de certitude.
La découverte de la duplicité maternelle est pour Pierre
un choc : celui du passage du monde de l'enfance à celui des
adultes. Il devient un homme en se rendant compte que sa mère
est une femme... Une lente initiation, une acceptation qui ne sera d'ailleurs
pas totale. Quelques minutes plus tard, dans le roman, Pierre reviendra
sur tout ce qu'il vient d'élaborer, et il continuera à
hésiter, à douter, à être déchiré
entre certitudes et remords. Seul son frère,
dans la scène de l'aveu (extrait 6), aura
la confirmation de la vérité de la bouche même
de sa mère.
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