Texte n°2/7

 
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Les premières approches

   




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 Mais tout à coup, sans raison, Mme de Marelle appelait : " Laurine ! "
et la petite fille s'en vint.
" Assieds-toi là, mon enfant, tu aurais froid près de la fenêtre. "
Et Duroy fut pris d'une envie folle d'embrasser la fillette, comme si
quelque chose de ce baiser eût dû retourner à la mère.
Il demanda d'un ton galant et paternel :
" Voulez-vous me permettre de vous embrasser, mademoiselle ? "
L'enfant leva les yeux sur lui d'un air surpris. Mme de Marelle dit
en riant :
" Réponds : " Je veux bien, monsieur, pour aujourd'hui ; mais ce ne
sera pas toujours comme ça. "
Duroy, s'asseyant aussitôt, prit sur son genou Laurine, puis effleura
des lèvres les cheveux ondés et fins de l'enfant,
La mère s'étonna :
" Tiens, elle ne s'est pas sauvée ; c'est stupéfiant. Elle ne se
laisse d'ordinaire embrasser que par les femmes. Vous êtes
irrésistible, monsieur Duroy. "
II rougit, sans répondre, et d'un mouvement léger il balançait la
petite fille sur sa jambe.
Mme Forestier s'approcha, et, poussant un cri d'étonnement :
" Tiens, voilà Laurine apprivoisée, quel miracle ! "
Jacques Rival aussi s'en venait, un cigare à la bouche, et Duroy se
leva pour partir, ayant peur de gâter par quelque mot maladroit la
besogne faite, son oeuvre de conquête commencée.
Il salua, prit et serra doucement la petite main tendue des femmes,
puis secoua avec force la main des hommes. Il remarqua que celle de
Jacques Rival était sèche et chaude et répondait cordialement à sa
pression ; celle de Norbert de Varenne, humide et froide et fuyait en
glissant entre les doigts ; celle du père Walter, froide et molle,
sans énergie, sans expression ; celle de Forestier, grasse et tiède.
Son ami lui dit à mi-voix :
" Demain, trois heures, n'oublie pas.
- Oh ! non, ne crains rien. "
Quand il se retrouva sur l'escalier, il eut envie de descendre en
courant, tant sa joie était véhémente, et il s'élança, enjambant les
marches deux par deux ; mais tout à coup, il aperçut, dans la grande
glace du second étage, un monsieur pressé qui venait en gambadant à
sa rencontre, et il s'arrêta net, honteux comme s'il venait d'être
surpris en faute.
Puis il se regarda longuement, émerveillé d'être vraiment aussi joli
garçon ; puis il se sourit avec complaisance ; puis, prenant congé de
son image, il se salua très bas, avec cérémonie, comme on salue les
grands personnages.
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