Question 1 : Situer le texte (sur 2 points)
Question 2 : Que peut démontrer l'étude de la ponctuation
? (sur 4 points)
Question 3 : Quelle est la figure de style présente de la ligne
huit à la ligne vingt-six ? (sur 4 points)
Écriture : Quelles sont les idées présentées
par le narrateur ? Que peut-on lui répondre ?
Réponse 1
Cet extrait est tiré d'un roman du XIXème siècle,
Bel-Ami, écrit par G. de Maupassant.
Un personnage âgé, Norbert de Varenne, explique au héros
du roman, le jeune Georges Duroy, ce qu'il pense de la mort, dans une
longue tirade pessimiste, qui devient presque un monologue.
Réponse 2
Il s'agit théoriquement d'un dialogue. En effet, il y a deux interlocuteurs,
et l'on retrouve la ponctuation des dialogues avec la présence
de tirets. Cependant, seul Norbert de Varenne s'exprime. Georges Duroy
se contente de l'écouter.
Le vieil homme monopolise la conversation, car il fait part à son
cadet de son expérience. Il le prévient d'ailleurs au début
du texte : "Vous ne comprenez pas aujourd'hui, mais vous vous rappellerez
plus tard..."
Son but est d'impressionner Georges et de partager avec lui sa façon
de voir la vie, et ses angoisses. Il utilise pour cela plusieurs procédés
courants dans une argumentation : les énumérations, les
fausses questions, l'interrogation, l'exclamation et la pause.
S'il s'agit essentiellement dans ce passage de phrases longues, il est
intéressant de remarquer l'utilisation fréquente d'énumérations
marquées par une soudaine abondance de virgules. Il y en a une,
par exemple, à la ligne vingt-trois, quand le narrateur dit :"Respirer,
dormir, boire, manger, travailler, rêver, tout ce que nous faisons,
c'est mourir". Ainsi, la suite de verbes mène au but à
atteindre, le verbe "mourir". On retrouve d'autres énumérations
à la ligne 38 ("les petites bêtes [...] barbe d'un ami")
ou à la ligne 52 ( "un nez, des yeux, un front, des joues
et une bouche..."). Ce procédé stylistique qui accumule
les verbes ou les noms montre bien l'objectif du narrateur : insister
lourdement et convaincre son interlocuteur en le submergeant de termes.
Les questions rhétoriques montrent aussi l'état
d'esprit de Norbert de Varenne. C'est un homme désabusé,
blasé, qui a trop profité de la vie : "Qu'attendez-vous
? de l'amour ? Encore quelques baisers [...] Et puis après ? De
l'argent ? [...] Et puis encore ? De la gloire ? A quoi cela sert-il..."
Plus rien ne peut lui faire plaisir, il a tout connu, et il semble s'étonner
que cela puisse encore attirer Georges Duroi. Evidemment, ce sentiment
d'indifférence, d'écurement, ne peut pas être
partagé par ce dernier qui voudrait bien y goûter, lui, à
tous ces plaisirs ! Par contre, la question rhétorique de la fin
est plus désespérée, plus triste : "À
quoi se rattacher ? Vers qui jeter des cris de détresse ? À
quoi pouvons-nous croire ?" Si la réponse est "La mort
seule est certaine", cette réponse est tragique... C'est donc
une vraie question que se pose là l'auteur lui-même, par
la bouche de son personnage.
Les exclamations sont, elles aussi, utilisées de façon
contrastée : la première exprime la souffrance, le désarroi
face à la proximité de la mort "La voilà !",
la seconde achève une énumération des choses que
Norbert de Varenne apprécie et qu'il regrette déjà
alors qu'il pourrait encore en profiter : " les clairs de lune, les
levers de soleil, la grande mer, les belles rivières, et l'air
des soirs d'été, si doux à respirer !" Enfin,
on trouve chez ce grand pessimiste quelque chose de merveilleux dans la
vie, et c'est la nature.
Pour conclure, les points de suspension marquent le manque, la
frustration : " Et jamais un être ne revient, jamais..."
Ici, la peur de vieillir s'ajoute à la souffrance d'avoir perdu
déjà de nombreux êtres chers, et de voir arriver son
tour, inexorablement. Cet "être" qui ne revient jamais,
c'est à la fois celui qui est déjà parti, mais aussi
lui-même, qui refuse de disparaître pour toujours. Ce qu'il
laisse en suspens, c'est cette cruauté de la vie, de la roue qui
tourne et ne s'arrête pour personne.
L'étude de la ponctuation est donc ici tout à fait révélatrice
de l'état d'esprit du narrateur. Sa souffrance, qu'il communique
avec tous les talents de l'orateur, ne peuvent pas laisser indifférent,
même si l'on n'a pas les mêmes préoccupations ou les
mêmes obsessions.
Réponse 3
La figure de style utilisée ici est l'allégorie
de la mort. Cette notion abstraite est ici représentée sous
les traits d'une "bête rongeuse" (ligne 11) qui, comme
un termite, attaque et "dégrad(e) ainsi qu'une maison
qui s'écroule" le corps de sa victime. Cette mort est aussi
une voleuse, ce que l'on peut remarquer grâce aux termes
suivants : "elle m'a pris (...) ne me laissant que (...) qu'elle
enlèvera bientôt aussi". Elle agit, bien entendu, sans
le consentement de sa victime qui la méprise, " la gueuse
", pour sa cruauté calculée " quelle lenteur savante
et méchante ". En effet, elle semble accomplir " son
odieuse besogne " avec un plaisir sadique : la mort est un tortionnaire
ou un bourreau impitoyable, qui fait lentement souffrir sa victime
avant de l'achever ; et surtout, elle lui permet de se rendre compte de
son travail qu'elle accomplit "doucement et terriblement", ce
qui en augmente la souffrance. Enfin, elle agit de l'intérieur,
comme un cancer que vous portez jour après jour, qui fait
partie de vous, que vous supportez tant bien que mal, que vous aidez même
à progresser par "tout ce que [vous faites]" et qui finit
par vous emporter. Cette notion générale et abstraite
qu'est la mort prend ici sous la plume de l'auteur, une apparence bien
concrète et donc l'évocation provoque la terreur
de celui qui en parle.
Écriture
Les idées du narrateur, dans l'ordre du texte :
a) Les jeunes ne sont pas (encore) concernés ; ils ne peuvent
pas comprendre (ligne 7)
b) La mort est une dégradation progressive du corps : " vivre
(...), c'est mourir " (ligne 24)
c) L'amour, l'argent, la célébrité ne servent à
rien car la mort finit toujours par l'emporter (ligne34)
d) La vie n'est qu'un passage fugitif, après lequel on est remplacé
par des milliers d'autres êtres identiques, et ce que l'on a été
ne revient jamais (ligne 57)
e) Il n'y a qu'une certitude, celle de la mort. Le reste n'est que promesses
et stupidité.
On peut réagir à ce point de vue, de façon plus
positive, en disant :
a) Que cette façon de voir n'est pas très constructive.
Personne n'a choisi de naître non plus !
b) Que la vie n'est pas juste une marche vers la mort, mais elle peut
être aussi une quête du bonheur. Les raisons de vivre sont
certainement aussi nombreuses que les raisons de mourir. Pourquoi choisir
le pire ?
c) Chaque jour est important, que ce soit le premier ou le dernier. "Carpe
diem". Il est préférable de vivre le présent
plutôt que de pleurer sur le futur.
d) On peut atteindre l'immortalité dans l'esprit de ses contemporains
et des générations futures par des actes qui sortent de
l'ordinaire. La gloire de l'artiste, le renom de l'écrivain, l'uvre
du scientifique ou du bâtisseur leur subsistent et contribuent au
bonheur général.
e) En pensant aux autres plutôt qu'à soi, on ne pleure pas
tout le temps sur le peu de temps qui reste... On agit. Être utile
est une bonne raison de vivre...
f) Les sentiments, les émotions, le souvenir que l'on laissera
aux autres, l'amour, peuvent aller au-delà de la mort.
g) La mort est, certes, le destin de chacun : mais elle est indissociable
de la vie ! Ce n'est ni en y pensant tout le temps, ni en l'ignorant,
qu'on pourra l'éviter. Le plaisir et la joie de vivre peuvent accompagner
la certitude de ce destin.
Toutes ces remarques sont peut-être philosophiques, mais en même
temps, elles sont de bon sens...
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