Texte

2/5

  Auteur Imprimer
  Précédente Suivante

Lecture méthodique

Acte II, scène 4

I - La prise de parole :

Dans cette courte scène de 21 vers (vivacité), Pyrrhus mène nettement le jeu :10 vers (Pyrrhus) + 2 vers (Oreste) + 8 vers (Pyrrhus) + 0,25 vers (Oreste) . Oreste ne prononce que deux vers auxquels s'ajoutent les deux mots de la fin.


Pyrrhus jubile. Il annonce sa décision en deux tirades, en dosant ses effets, la première de dix vers, la seconde de huit. Dans la première tirade, il livre Astyanax, dans la seconde, il épouse Hermione.
La situation d'Oreste est celle d'un témoin de la décision, pas celle d'un interlocuteur. Et il va être mis face à l'évidente : il n'a aucun pouvoir.


II - La ruse de Pyrrhus dans la première tirade :


a ) L'utilisation des pronoms personnels "Je" et "vous" :
Observer comment le pronom personnel de première personne est en tête de vers, en début d'expression et en position dominante dans la tirade, qui s'achève cependant par une ouverture : "on", représentant "nous, mon peuple et moi" et surtout par "votre victime". Ainsi, Oreste est désigné comme responsable, voire comme assassin du petit enfant innocent.
b) Cette tirade présente une argumentation simple : Vous m'avez convaincu, vous aviez raison !
Le travail psychologique fait par Oreste a porté ses fruits, prétend Pyrrhus : Le champ lexical de la conviction est utilisé : "vos raisons", "je l'avoue", "comme vous", "je ne condamne plus", "légitime". En effet, vos arguments faisaient preuve de "puissance", de "force", d'"équité". Liste des valeurs chevaleresques auxquelles Pyrrhus avait failli manquer : la Grèce : alliés politiques (la patrie) , mon père : la famille , moi-même : l'honneur.
Ces valeurs reprennent leurs droits. Pyrrhus retourne à la raison et livre Astyanax.

III - La réaction d'Oreste

Oreste est surpris, mais il réagit rapidement. L'ambassadeur ne félicite pas le roi de se plier ainsi à la demande que lui-même avait faite... La contradiction entre ce qu'il a demandé et ce qu'il voulait en réalité (le refus de Pyrrhus) éclate ici. Mais il réagit avec ironie : Si le conseil est "prudent", c'est que Pyrrhus a eu raison d'avoir peur des menaces des Grecs. Et s'il est "rigoureux", c'est que l'esprit strict, sévère de Pyrrhus ne s'embarrasse pas de scrupules. Il sait et a toujours su être cruel.
Le second vers est très ambigu : il renvoie l'accusation. Ce n'est pas ma victime, c'est votre rançon ! Le "sang d'un malheureux" montre Oreste comme plus sensible au malheur de l'enfant que Pyrrhus. Il s'agit d'un agneau, d'une victime qui expie pour les autres, d'un sacrifice au service d'une cause peut-être juste, "la paix", mais d'une cause que l'on "achèt[e]" au prix de la mort d'un innocent.


IV - L'estocade finale : la méchanceté de Pyrrhus.

Oui, mais je veux, Seigneur, l'assurer davantage (1):
D'une éternelle paix Hermione est le gage ;
Je l'épouse (2). Il semblait qu'un spectacle si doux
N'attendît en ces lieux qu'un témoin tel que vous (3).
Pyrrhus pousse plus loin la cruauté (1). Il veut faire plier Oreste, le rabaisser, l'humilier totalement et lui porter le coup de grâce final. Il le fait grâce à Hermione (2). Son rival est à sa merci, et il ne se gène pas pour le faire souffrir (3).
Le ton change :
- rappel sec de son rang et de son rôle d'ambassadeur (4),
- rappel des liens familiaux, qu'il faut maintenant distinguer des liens sentimentaux (5). Pyrrhus feint d'ignorer la passion d'Oreste pour sa cousine et s'adresse, soit-disant, au cousin, non à l'amoureux.
- ordres (6) et obligation de les exécuter : trois impératifs enchaînés.
- demande protocolaire en mariage (7) : C'est Oreste qui devra amener Hermione à Pyrrhus, en tant que proche parent et en tant que représentant de son père Ménélas (5).
La double synecdoque :"son cœur" et "votre main" (7) éclate les personnages en morceaux, les déchire, sépare les sentiments amoureux d'Oreste de ses devoirs de prince et d'ambassadeur grec.
Vous y représentez tous les Grecs et son père (4),
Puisqu'en vous Ménélas voit revivre son frère (5).
Voyez-la(6) donc. Allez (6). Dites-lui(6) que demain
J'attends, avec la paix, son cœur de votre main (7).


Conclusion :


Après ces deux mots, Oreste quitte la scène. Evidemment, on est loin de la réponse intelligente. La surprise, la stupeur, la stupéfaction, la sidération... Bref ! Il ne lui reste plus qu'à s'en prendre à son destin, aux dieux qui lui en veulent depuis toujours (voir la légende concernant sa vie) et qui s'acharnent encore une fois sur lui. Il sait qu'il est maudit.
Pyrrhus triomphe, surpris lui-même d'avoir fait son devoir. Dans la scène suivante il s'en vantera à son conseiller Phœnix, qui n'en revient pas non plus mais qui approuve, bien entendu. Pour une fois que Pyrrhus fait ce qu'il doit faire !
Lecture n°2/5 Retour à la page précédente