L'émouvante et incroyable splendeur de la terre est notre bien commun le plus précieux, que nul ne peut s'approprier ; car nous ne possédons ni la brise délicate du printemps qui enivre de ses caresses les fins matins d'avril, ni le rougeoiement du Soleil lorsqu'il baisse à l'horizon, ni la face hilare de l'astre des nuits qui tantôt offre sa joue droite, tantôt la gauche, et chichement son visage tout entier, ni la douceur d'un soir d'été rythmé par le crissement des cigales, embaumé de senteurs d'herbes et d'humus, ni l'odeur chaude des fenaisons après la pluie. Ce qu'il y a de plus beau et de plus précieux en ce monde, qui pourtant est le plus commun et le moins rare, ne nous appartient pas ! Il nous appartient en revanche de le conserver jalousement comme un trésor, comme le patrimoine collectif inviolable de l'humanité. Telle est la mission qui nous est confiée. Nous l'avons héritée de nos pères et des pères de nos pères, et il nous revient de nous en acquitter afin de transmettre à nos fils et aux fils de nos fils notre maison commune, la Terre, en bon état : propre, bien soignée, correctement vêtue. Telle qu'on puisse dire avec le poète : Ô terre, mon pays bien-aimé ! Mais, tandis que l'homme perfectionne ses techniques, une dangereuse partie de bras de fer s'est engagée entre la science et la vie. N'est-ce pas pourtant cette science qui nous a révélé le visage de la Terre, vu de l'espace ? N'est-ce pas à l'extrême pointe des technologies de pointe que les cosmonautes ont pu redécouvrir l'émotion et la poésie ? Ils voulaient scruter de loin le vrai visage de notre planète, sonder ses secrets, moins accessibles aux insectes rampants que nous sommes qu'à de lointains observateurs exilés sur la Lune. Or, les voici atteints du "mal de Terre". Leur commune découverte, aux extrêmes avancées de la technique, est l'immensité du mystère de la vie. Éternelles questions posées à l'humanité depuis ses origines, et que la science reste bien incapable de résoudre ; questions posées désormais avec une acuité accrue1 : " c'est en techniciens que nous sommes partis pour la Lune, et c'est en humanistes que nous en sommes revenus", dit Edgar Mitchell. L'une de ces questions est d'une brûlante actualité : la Terre est malade. Elle est atteinte d'une étrange maladie qui a pour nom "développement", une idée pernicieuse2 qui meut la planète depuis trois siècles. Fort d'un savoir tout frais, l'homme a chaussé ses gros sabots pour soumettre la nature et la vie à ses pouvoirs et à sa loi.
Jean-Marie Pelt,
Le Tour du monde d'un écologiste,
Fayard, 1990.
1. Accrue : une précision de plus en plus grande
2. Pernicieuse : une pensée nuisible qui gouverne la planète.
> 1. «notre bien commun» (l.1-2)
a) Relevez dans le premier paragraphe («L'émouvante... la pluie») deux mots du champ lexical correspondant au mot souligné. ( 1 point )
b)Trouver ensuite dans le second paragraphe («Ce qu'il y a... mon pays bien-aimé») les deux comparaisons illustrant la même idée. ( 0,5 point )
> 2. «patrimoine collectif» (l.12)
a) Donnez le sens du mot «patrimoine», et relevez dans le second paragraphe deux verbes développant la même idée. ( 1,5 point )
b) «Ce qu'il y a de plus beau... ne nous appartient pas» (l.9-10) et «il nous appartient en revanche de le conserver.» (l.10-11).
Donnez deux synonymes qui éclairent les deux sens du verbe souligné. ( 1 point )
> 3. Que désigne le pronom «nous» dans les deux premiers paragraphes ?
Par quel groupe nominal est-il repris dans la suite du texte ? ( 1 point )
> 4. «splendeurs de la Terre» (l.1)
a) Quels sens sont sollicités dans le premier paragraphe ? Justifiez chacune de vos réponses en citant précisément le texte. ( 2 points )
b) «la face hilare... son visage tout entier» (l.5-6). Qui est personnifié ici ?
Trouvez dans la suite du texte une autre personnification. ( 1 point )
> 6. «Ils voulaient scruter... mystère de la vie»
a) Quel était l'objectif de la science ? ( 1 point )
b) Relevez deux procédés grammaticaux qui en soulignent l'échec. ( 1 point )
> 7. «N'est-ce pas... l'émotion et la poésie ?» (l.21-22)
a) Identifiez le type et la forme de ces deux phrases ( 0,5 point )
b) Que peut-on en déduire sur l'intention de l'auteur ? ( 1 point )
> 8. Formulez en une ou deux phrases la thèse de l'auteur. ( 2 points )
«Telle est la mission... maison commune» (l.12 à 15). Réécrire le passage en remplaçant le pronom sujet «nous» par le pronom sujet «ils» et en opérant toutes les modifications nécessaires.
Victor Hugo
Les Misérables
1866
C'était un homme de moyenne taille, trapu et robuste, dans la force de l'âge. (...) Sa chemise de grosse toile jaune, rattachée au col par une petite ancre d'argent, laissait voir sa poitrine velue ; il avait une cravate tordue en corde, un pantalon de coutil bleu, usé et râpé, blanc à un genou, troué à l'autre, une vieille blouse grise en haillons, rapiécée à l'un des coudes d'un morceau de drap vert cousu avec de la ficelle, sur le dos un sac de soldat fort plein, bien bouclé et tout neuf, à la main un énorme bâton noueux, les pieds sans bas dans des souliers ferrés, la tête tondue et la barbe longue.
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Le mot coutil sera écrit au tableau.
Vous rédigerez pour le journal du collège un article intitulé : «la terre est malade». D'abord vous sensibiliserez vos camarades en décrivant l'une de ses maladies, puis vous les inciterez à lutter contre elle.
Vous écrirez un article d'environ trente lignes, et rédigerez deux parties distinctes.