LEM23 : Jacques Prévert

Pour faire le portrait d'un oiseau

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Pour faire le portrait d’un oiseau
Peindre d’abord une cage
Avec une porte ouverte
Peindre ensuite
Quelque chose de joli
Quelque chose de simple
Quelque chose de beau
Quelque chose d’utile
Pour l’oiseau
Placer ensuite  la toile contre un arbre
Dans un jardin
Dans un bois
Ou dans une forêt
Se cacher derrière l’arbre
Sans rien dire
Sans bouger…
Parfois l’oiseau arrive vite
Mais il peut aussi bien mettre de longues années
Avant de se décider
Ne pas se décourager
Attendre
Attendre s’il le faut pendant des années
La vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
N’ayant aucun rapport
Avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
S’il arrive
Observer le plus profond silence
Attendre que l’oiseau entre dans la cage
Et quand il est entré
Fermer doucement la porte avec le pinceau
Puis
Effacer un à un tous les barreaux
En ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
En choisissant la plus belle de ses branches
Pour l’oiseau
Peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
La poussière du soleil
Et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
Signe que le tableau est mauvais
Mais s’il chante c’est bon signe
Signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
Une des plumes de l’oiseau
Et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.


Pour faire le portrait d’un oiseau / Peindre d’abord une cage / Avec une porte ouverte / Peindre ensuite / Quelque chose de joli / Quelque chose de simple / Quelque chose de beau / Quelque chose d’utile / Pour l’oiseau / Placer  ensuite  la toile contre un arbre / Dans un jardin / Dans un bois / Ou dans une forêt /Se cacher derrière l’arbre / Sans rien dire / Sans bouger…/

Parfois l’oiseau arrive vite / Mais il peut aussi bien mettre de longues années /Avant de se décider / Ne pas se décourager / Attendre / Attendre s’il le faut pendant des années / La vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau / N’ayant aucun rapport /  Avec la réussite du tableau / Quand l’oiseau arrive / S’il arrive / Observer le plus profond silence / Attendre que l’oiseau entre dans la cage / Et quand il est entré / Fermer doucement la porte avec le pinceau /

Puis / Effacer un à un tous les barreaux / En ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau / Faire ensuite le portrait de l’arbre / En choisissant la plus belle de ses branches / Pour l’oiseau / Peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent / La poussière du soleil / Et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été /

Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter / Si l’oiseau ne chante pas / C’est mauvais signe / Signe que le tableau est mauvais / Mais s’il chante c’est bon signe / Signe que vous pouvez signer / Alors vous arrachez tout doucement / Une des plumes de l’oiseau / Et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.


Pour faire le portrait d’un oiseau / Peindre d’abord une cage / Avec une porte ouverte / Peindre ensuite / Quelque chose de joli / Quelque chose de simple / Quelque chose de beau / Quelque chose d’utile / Pour l’oiseau / Placer ensuite  la toile contre un arbre / Dans un jardin / Dans un bois / Ou dans une forêt / Se cacher derrière l’arbre / Sans rien dire / Sans bouger… / Parfois l’oiseau arrive vite / Mais il peut aussi bien mettre de longues années /Avant de se décider / Ne pas se décourager / Attendre / Attendre s’il le faut pendant des années / La vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau / N’ayant aucun rapport / Avec la réussite du tableau / Quand l’oiseau arrive / S’il arrive / Observer le plus profond silence / Attendre que l’oiseau entre dans la cage / Et quand il est entré / Fermer doucement la porte avec le pinceau / Puis / Effacer un à un tous les barreaux / En ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau / Faire ensuite le portrait de l’arbre / En choisissant la plus belle de ses branches / Pour l’oiseau /Peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent / La poussière du soleil / Et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été / Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter / Si l’oiseau ne chante pas / C’est mauvais signe / Signe que le tableau est mauvais / Mais s’il chante c’est bon signe / Signe que vous pouvez signer /Alors vous arrachez tout doucement / Une des plumes de l’oiseau / Et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. 


Pour faire le portrait d’un oiseau, peindre d’abord une cage avec une porte ouverte. Peindre ensuite quelque chose de joli, quelque chose de simple, quelque chose de beau, quelque chose d’utile, pour l’oiseau. Placer ensuite  la toile contre un arbre, dans un jardin, dans un bois ou dans une forêt. Se cacher derrière l’arbre sans rien dire, sans bouger…

Parfois l’oiseau arrive vite mais il peut aussi bien mettre de longues années avant de se décider. Ne pas se décourager. Attendre, attendre s’il le faut pendant des années, la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau  n’ayant aucun rapport avec la réussite du tableau. Quand l’oiseau arrive (s’il arrive), observer le plus profond silence ; Attendre que l’oiseau entre dans la cage. Et quand il est entré fermer doucement la porte avec le pinceau.

Puis, effacer un à un tous les barreaux en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau. Faire ensuite le portrait de l’arbre en choisissant la plus belle de ses branches pour l’oiseau. Peindre aussi le vert feuillage et la  fraîcheur du vent, la poussière du soleil et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été. Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter :  si l’oiseau ne chante pas c’est mauvais signe, signe que le tableau est mauvais. Mais s’il chante c’est bon signe, signe que vous pouvez signer. Alors vous arrachez tout doucement une des plumes de l’oiseau et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. 


Pour faire le portrait d’un oiseau, peindre d’abord une cage avec une porte ouverte. Peindre ensuite quelque chose de joli, quelque chose de simple, quelque chose de beau, quelque chose d’utile, pour l’oiseau. Placer ensuite  la toile contre un arbre, dans un jardin, dans un bois ou dans une forêt. Se cacher derrière l’arbre sans rien dire, sans bouger…

Parfois l’oiseau arrive vite mais il peut aussi bien mettre de longues années avant de se décider. Ne pas se décourager. Attendre, attendre s’il le faut pendant des années, la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau  n’ayant aucun rapport avec la réussite du tableau. Quand l’oiseau arrive (s’il arrive), observer le plus profond silence ; Attendre que l’oiseau entre dans la cage. Et quand il est entré fermer doucement la porte avec le pinceau.

Puis, effacer un à un tous les barreaux en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau. Faire ensuite le portrait de l’arbre en choisissant la plus belle de ses branches pour l’oiseau. Peindre aussi le vert feuillage et la  fraîcheur du vent, la poussière du soleil et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été. Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter :  si l’oiseau ne chante pas c’est mauvais signe, signe que le tableau est mauvais. Mais s’il chante c’est bon signe, signe que vous pouvez signer. Alors vous arrachez tout doucement une des plumes de l’oiseau et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.


Plan :

Il semble y avoir un schéma narratif  (cf. reproduction 1). Les deux grands moments seraient donc : 1) Avant la capture de l’oiseau et 2) Après la capture. Mais on peut aussi choisir une progression en quatre parties :

1)       la préparation du piège

2)       L’attente

3)       La réalisation de la peinture

4)       La critique du résultat final

Ces plans mettent en évidence que le peintre représente tout sauf  l’oiseau lui-même : c’est un élément qu’il ne maîtrise pas. Le résultat final correspond à une cage peinte puis soigneusement effacée, à un arbre, une belle branche, et à un vrai oiseau posé dessus, qui chante. Sur le mode de la recette de cuisine, l’auteur présente sa méthode pour concevoir un chef-d’œuvre. Mais l’univers réel qu’il semble présenter est progressivement transformé en univers poétique par le poète, et cet univers interfère (=se mélange imparfaitement, se confond mal ) avec le monde réel : les sensations se brouillent. Nous sommes dans un univers féerique, où l’inanimé devient animé et où la réalité est remplacée par une vision onirique (= de rêve).

Vocabulaire :

Idées :

Le travail du poète est comparable à celui du peintre. Ce poème est une métaphore du métier de l’artiste.

  1. Il faut peut-être s’inspirer de la nature, mais ne pas la reproduire stupidement : au contraire, il faut essayer d’exprimer ses sensations propres, ses émotions (peinture, musique, poésie, littérature…)
  2. Il faut être patient et savoir attendre l’inspiration. Comme un oiseau, elle ne se maîtrise pas, elle est incertaine. On ne devient pas un génie du jour au lendemain.
  3. Il ne faut pas être logique et rester enfermé dans le monde concret. Les schémas, les choses classiques, les écoles de pensée sont des cages, des prisons qui tuent l’inspiration, qui emprisonnent l’esprit , qui empêche l’expression libre. Ces guides sont utiles au début (apprendre la technique avant de peindre, faire du solfège ou des gammes avant de composer. Mais, comme les barreaux du poème, il faut ensuite savoir les effacer, les oublier pour exprimer sa personnalité.
  4. C’est avec le temps, la patience, que l’on finit par être reconnu, si l’on a du talent.
  5. L’art ne se pratique pas dans la violence  (« tout doucement »).  Il ne peut et ne doit pas être imposé aux autres. Chacun est libre de l’apprécier ou non, et l’oiseau du tableau ne se met pas toujours à chanter… (« les goûts et les couleurs… »). L’artiste doit donc rester modeste et se contenter du « coin du tableau » pour signer . Son œuvre, si elle est bonne, suffit. Elle est sans doute plus intéressante que lui, sa personnalité, sa vie, et il doit apprendre à s’effacer devant elle.

Conclusion :

Ce poème nous transporte dans un monde proche du rêve surréaliste. Le travail de l’artiste, qu’il soit poète, musicien, peintre, est de créer des associations inattendues et surprenantes. Ce qui met son rêve à la portée de tous, c’est sa façon de coller à la nature, de rester simple, de ne pas s’enfermer dans les conventions et les écoles. L’oiseau, pour Jacques PREVERT, est encore une fois ici le symbole de la liberté et de l’indépendance d’esprit qui seules permettent d’être vraiment original et talentueux.

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