Méthodes et techniques, page 213
Un relevé de la ponctuation dans cette partie
du poème permet de constater la présence de sept occurrences du point d'exclamation,
ainsi que celle de deux points, de six virgules, de guillemets
(une fois) et de tirets (une fois).
Le fait le plus important est donc l'abondance de phrases exclamatives,
qui révèlent le ton employé par l'auteur. Ce ton est exalté et indigné
comme dans les expressions « Rachitisme ! », « Ô servitude
infâme imposée à l'enfant ». Il est parfois marqué par la pitié :« Aussi
quelle pâleur ! », « hélas ! », par l'accusation
véhémente « voyez ce que nous font les hommes ! » ou par
l'ironie : « son fruit le plus certain ! »,
« de Voltaire un crétin ! »
L'utilisation du style direct, encadré par les guillemets, met
dans la bouche des enfants une hypothétique prière, qui en appelle
à Dieu comme témoin de cette injustice. Cette prière permet d'adresser indirectement
un reproche aux hommes responsables de cette souffrance et d'en appeler à leurs
sentiments chrétiens, comme le font Voltaire dans sa « Prière à Dieu »
ou Montesquieu dans De l'esclavage des
nègres.
Enfin, les tirets permettent de mettre sur un autre plan une remarque
ironique de l'auteur « - C'est là son fruit le plus certain !
- » dans une phrase dont la tonalité générale ne prête pas à sourire, même
si les exemples choisis juste après sont caricaturaux.
La dernière phrase du texte est une phrase sans verbe principal. Elle est composée d'un groupe nominal (nom + adjectif ) antécédent de trois subordonnées relatives introduites par « qui ». Il s'agit donc d'une phrase nominale, malgré la présence de trois verbes conjugués. L'auteur dresse un constat final sous forme générale, comme il pourrait le faire dans un titre. Il est d'ailleurs curieux de constater que la phrase précédente a la même structure. L'auteur, en fin d'argumentation, définit dans ces deux dernières phrases ce qu'est, selon lui le travail des enfants, quelque chose qui n'est plus le travail, qui n'en a pas les mérites, quelque chose de monstrueux.
Le système d'énonciation choisi par l'auteur
de ce texte n'est pas classique. Il ne s'adresse pas directement au lecteur
et n'utilise ni la première ni la deuxième personne.
Au contraire, il pose au début une question vague, presque innocente,
qui introduit son thème (l'enfance) puis précise le cadre par deux
autres questions sur le même thème.
Après cette introduction, il propose une réponse, dans une longue description
imagée des enfants cheminant vers leur lieu de travail, et qu'il poursuit en
imaginant la journée qu'ils vont y passer.
La conclusion du texte, sous forme de phrases nominales, définit toute
l'horreur d'une telle leur situation.
Il s'agit donc, comme cela la été démontré dans la réponse 5, d'une argumentation bien structurée, présentant un thème en introduction, des exemples concrets servant d'arguments et la thèse de l'auteur en conclusion. Cependant, l'auteur choisit la forme poétique, dans une évocation au titre élégiaque. La tristesse du propos n'en diminue pas la virulence. Au contraire, par l'image, Hugo frappe l'imagination du lecteur et l'exhorte à la pitié.
Les champs lexicaux présents ici sont celui de
l'enfance, bien entendu, associé à celui du travail, de façon
à montrer que ces deux univers cohabitent mal. Les réseaux lexicaux sont
nombreux et bien imbriqués. On peut ainsi trouver le champ lexical de la maladie,
de la souffrance, de la mort, ainsi que celui de l'injustice,
ou celui de l'enfer.
Il faut retenir comme importants les champs lexicaux de l'enfance (« enfants »,
« filles », « innocents », « joue », « petits »,
« l'enfant », « l'âge tendre »), le champ lexical du travail,
réparti tout au long du texte (« travailler quinze heure sous des meules »,
« machine », « airain », « fer », « uvre »,
« fruit », « richesse », « outil »), celui de
la souffrance, avec les termes « fièvre », « maigrit », « enfer»,
« pâleur », « déjà bien las », « servitude »,
« rachitisme », « étouffant », « qui tue »,
« mauvais » ) et enfin celui du malheur, représenté par les
expressions « seules », « prison », « sous les dents »,
bagne », « enfer », « cendre » , « destin »,
« servitude infâme », « bossu » ou « crétin »
(des infirmités congénitales) et le mot « misère ».
Apollon, dieu grec de la beauté, Voltaire, le plus grand philosophe du Siècle des Lumières sont des exemples par l'absurde de la façon dont le travail peut transformer l'être le mieux disposé, le plus doué, au départ. La relation est double car Voltaire a lutté contre toutes les injustices et Apollon représente aussi ce soleil que les enfants ne voient jamais & Ce vers est à mettre en relation directe avec le chiasme (=construction grammaticale en croix, dans laquelle on inverse l'ordre des termes du parallélisme) du vers 20 : le travail détruit « la beauté (A) sur les fronts (B), dans les coeurs (B) la pensée (A). » La beauté est reprise par Apollon, la pensée par Voltaire.
Le thème de ce texte est le travail des enfants. Il a été choisi pour dénoncer une situation que l'auteur considère comme contraire à la morale, et qui va être l'objet de son roman le plus célèbre : les Misérables. Nous sommes au dix-neuvième siècle, à l'aube de la révolution industrielle, dont Zola nous fera nombre de descriptions émouvantes. Victor Hugo est l'un des premiers à parler des classes sociales défavorisées. Il présente, dans ce texte célèbre, l'un des premiers écrits sur ce thème, en s'adressant aux bourgeois, qui s'enrichissent grâce à cette exploitation, légale à l'époque, et qui préféreraient sans doute ne pas voir la souffrance et la misère qu'ils causent.
L'auteur soutient, dans ce poème, qu'il est inhumain de faire travailler des enfants.