Cours
La situation du texte
Dix-huitième siècle, siècle des Lumières.
Se reporter à la biographie de Voltaire, page 216 du manuel bleu (Hatier),
où tous les renseignements sur la vie et l'œuvre sont donnés. Voltaire
rédige ce petit Dictionnaire philosophique à 70 ans, pour lutter
en faveur du progrès et de la tolérance. Il y regroupe tous les grands
sujets de réflexion. Il définit dans ce texte, de façon ironique, la guerre
et les motifs pour lesquels on la fait.
La forme choisie par l'auteur
Ce texte a la forme d'un article de
journal ou de dictionnaire. Il en a le titre, est écrit de façon
neutre (le narrateur n'intervient pas personnellement), utilise une
forme proche du récit mais on se rend rapidement compte qu'il ne raconte
pas une histoire réelle. C'est donc un texte de réflexion, d'argumentation,
déguisé sous l'apparence d'une parabole (=Comparaison développée
dans un récit conventionnel dont les éléments sont empruntés à la vie quotidienne
et comportent un enseignement religieux ou moral.) Grâce au récit, qui
donne de la vie à l'argumentation, l'auteur peut utiliser l'ironie
pour faire passer son message: les situations choquantes sont mises en évidence
et facilement perçues grâce à la caricature qu'il en fait. Comme
il s'agit d'un dictionnaire, l'auteur nous présente, sous forme imagée,
sa définition des causes de la guerre.
Les champs lexicaux / Le plan du texte
- Vocabulaire juridique, du droit
: le belliqueux se justifie par la loi, l'hérédité, la famille… (L.
1 à 10)
- Vocabulaire militaire : la guerre,
l'armée, les conquérants, les soldats sont les sujets de ce texte. (L.10
à 17)
- Champ lexical de l'intérêt, de
l'argent : la guerre coûte de l'argent, et parfois en rapporte.
(L. 18 à 23)
- Champ lexical de la violence,
de la cruauté : le soldat et celui qui l'envoie sont des assassins.
(L. 23 à 30)
Les figures de style
- "Cette province […] a beau protester"
: métonymie et personnification : les habitants du pays
sont assimilés à leur pays, (ligne 6)
- Anaphore de que : "qu'elle
ne le connaît pas, qu'elle n'a nulle envie […], que, pour
donner …" : sert à montrer la multiplicité des bonnes raisons
de la province, face à une seule raison : la raison du plus
fort…
- Ellipse de l'action à la ligne
13: On passe directement de l'entraînement du soldat au résultat de
la guerre!
- "Cinq ou six sous" : cette litote,
ligne 19, indique que certains peuvent tuer pour trois fois rien…
- "comme des moissonneurs" : c'est encore
l'idée de profit, de récolte, qui est mise en évidence par cette comparaison
avec les bandes de soldats, ligne 20.
- "ces multitudes s'acharnent" : l'hyperbole
montre bien l'image de la bataille rangée et de la violence des combats
- L'énumération de nombres lignes
24 et 25, précédé de "tantôt" en anaphore montre bien toutes
les combinaisons possibles et donc le peu de justification de la guerre
: si l'on se bat sans raison, l'allié peut facilement devenir un ennemi
et vice versa.
- L'ironie, présente dans tout
le texte, est particulièrement sensible dans la conclusion, introduite
par "Le merveilleux" est se terminant par "exterminer son prochain"…
Evidemment, il s'agit là d'une antiphrase.
- Le paradoxe : quand l'auteur
affirme que les puissances qui se battent ont un même point de vue,
il les met en réalité d'accord sur "un seul point : celui de (se) faire
(les unes aux autres) tout le mal possible"! (l. 27).
La grammaire
- Le temps employé est le présent
de l'indicatif : on est dans la vérité générale, l'habitude, la définition.
- Les déterminants et pronoms
utilisés pour les personnes et les groupes restent indéfinis : "un
généalogiste prouve à un prince", "une maison", "des
peuples", "des moissonneurs", "cinq ou six puissances",
"les unes contre les autres", "chaque chef", "son
prochain" : tout le monde peut être concerné; c'est encore une
forme de généralisation. On n'en connaît pas le nombre exact, mais il
semble que chacun prenne part à ces guerres…
- L'analyse logique est très efficace
pour révéler la démarche de l'auteur, dans les trois premières phrases.
- PHRASE 1: Pour décrire les raisons
du prince, une suite de subordonnées en cascade, avec des antécédents
de plus en plus lointains : ce sont des raisons peu sérieuses, qui
se dissolvent dans le temps : "prouve à un prince qu'il descend
en droite ligne d'un comte dont les parents avaient
fait un pacte de famille il y a trois ou quatre cents ans avec une
maison dont la mémoire ne subsiste plus" (C'est l'histoire de
l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours…)
- PHRASE 2: Avec la ponctuation [:],
on s'attend à une conséquence logique. "Le dernier possesseur est
mort d'apoplexie :" (= donc) "le prince et son conseil voient son
droit évident. " Il n'y a bien entendu aucune relation de cause
à effet entre la mort de l'un et l'envie de s'approprier le bien
d'autrui de l'autre!
- PHRASE 3: une suite de relatives
(1° "qu'elle ne le connaît pas", 2° "qu'elle n'a nulle envie d'être
gouvernée par lui", 3° "que pour donner des lois, il faut le consentement
des gens" forme trois bonnes raisons qui valent moins
que la seule décision arbitraire du prince "ne parviennent
pas aux oreilles du prince dont le bon droit est incontestable"
Incontestable, mais justement trois fois contesté !
L'analyse logique révèle donc ici
1) que les mots ont peu d'effet face à la force brutale,
2) que tous les prétextes sons bons pour se battre,
3) qu'il est parfois difficile de trouver les causes réelles d'une guerre,
4) qu'en général celles-ci n'ont que peu de rapport avec le bon droit
de chacun.
Le ton du texte
L'ironie est sensible dans l'évocation
du prince poussé à la guerre par diverses personnes (généalogiste, conseil).
Chacun y trouvera son compte, s'il remporte la victoire. La description
de l'armée est caricaturale et méchante : ce sont des hommes
"qui n'ont rien à perdre", habillés de vêtement grossier et bon marché,
à qui l'on a appris non pas à se battre mais à s'aligner, que l'on fait
"tourner à gauche et à droite", et qui vont perdre la vie afin que le prince
puisse "marche(r) à la gloire" (ligne 13) Plus loin, "cette équipée" couvre
une petite étendue de pays de "plus de meurtriers mercenaires que " suivi
d'une énumération de sanguinaires barbares aux noms exotiques et aux coutumes
tristement célèbres. L'hyperbole fait d'un simple militaire (ou d'un
militaire un peu simple) un monstre assoiffé de sang… La satire est
d'autant plus cruelle que l'auteur semble mépriser le soldat
de base : "vendre leurs services à quiconque veut les employer" : On ne
choisit même pas son camp, on se loue au plus offrant… D'ailleurs on se
bat "sans savoir même de quoi il s'agit" (ligne 23) : le soldat selon Voltaire
est intéressé par l'argent, bête et discipliné!
Conclusion
Ce texte présente avec ironie un tableau très
négatif de la guerre.
Pourquoi se bat-on, selon Voltaire ?
- Le prince se bat pour le prestige,
la gloire, la possession d'une terre qui n'est pas la sienne
- Le soldat parce que c'est son
métier et qu'il n'a pas le choix
- Le mercenaire, parce que cela
rapporte de l'argent, et même s'il faut trahir ses alliés
- Certains pour le plaisir de la
violence, le goût du sang et de la mort, par curiosité ou par simple
bêtise
- Chacun pour soi, ses propres
intérêts, sans tenir compte des grands principes et de la vie humaine
- Et Dieu pour tous, qui
est invoqué par chacune des armées avant d'aller exterminer l'autre…
Comment Voltaire juge-t-il la guerre ?
- C'est un combat sans noblesse,
mercantile : le soldat est utilisé par le chef, le chef est lui même
poussé par ses conseillers et par l'appât de l'argent.
- La religion a souvent cautionné,
justifié les guerres, quand elle ne les a pas elle-même provoquées.
- Chaque soldat est un assassin,
un meurtrier, qui peut sur le champ de bataille se laisser aller
à ses plus bas instincts : c'est d'ailleurs ce qu'on lui demande…
Moralité
L'homme intelligent, honnête, le philosophe,
l'esprit éclairé ne peut pas avoir envie de faire la guerre, s'il a bien
lu le message de Voltaire.
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