LEM 28 - VOLTAIRE

Article "Guerre"

Dictionnaire philosophique

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Cours

La situation du texte

Dix-huitième siècle, siècle des Lumières. Se reporter à la biographie de Voltaire, page 216 du manuel bleu (Hatier), où tous les renseignements sur la vie et l'œuvre sont donnés. Voltaire rédige ce petit Dictionnaire philosophique à 70 ans, pour lutter en faveur du progrès et de la tolérance. Il y regroupe tous les grands sujets de réflexion. Il définit dans ce texte, de façon ironique, la guerre et les motifs pour lesquels on la fait.

La forme choisie par l'auteur

Ce texte a la forme d'un article de journal ou de dictionnaire. Il en a le titre, est écrit de façon neutre (le narrateur n'intervient pas personnellement), utilise une forme proche du récit mais on se rend rapidement compte qu'il ne raconte pas une histoire réelle. C'est donc un texte de réflexion, d'argumentation, déguisé sous l'apparence d'une parabole (=Comparaison développée dans un récit conventionnel dont les éléments sont empruntés à la vie quotidienne et comportent un enseignement religieux ou moral.) Grâce au récit, qui donne de la vie à l'argumentation, l'auteur peut utiliser l'ironie pour faire passer son message: les situations choquantes sont mises en évidence et facilement perçues grâce à la caricature qu'il en fait. Comme il s'agit d'un dictionnaire, l'auteur nous présente, sous forme imagée, sa définition des causes de la guerre.

Les champs lexicaux / Le plan du texte

  • Vocabulaire juridique, du droit : le belliqueux se justifie par la loi, l'hérédité, la famille… (L. 1 à 10)
  • Vocabulaire militaire : la guerre, l'armée, les conquérants, les soldats sont les sujets de ce texte. (L.10 à 17)
  • Champ lexical de l'intérêt, de l'argent : la guerre coûte de l'argent, et parfois en rapporte. (L. 18 à 23)
  • Champ lexical de la violence, de la cruauté : le soldat et celui qui l'envoie sont des assassins. (L. 23 à 30)

Les figures de style

  • "Cette province […] a beau protester" : métonymie et personnification : les habitants du pays sont assimilés à leur pays, (ligne 6)
  • Anaphore de que : "qu'elle ne le connaît pas, qu'elle n'a nulle envie […], que, pour donner …" : sert à montrer la multiplicité des bonnes raisons de la province, face à une seule raison : la raison du plus fort
  • Ellipse de l'action à la ligne 13: On passe directement de l'entraînement du soldat au résultat de la guerre!
  • "Cinq ou six sous" : cette litote, ligne 19, indique que certains peuvent tuer pour trois fois rien…
  • "comme des moissonneurs" : c'est encore l'idée de profit, de récolte, qui est mise en évidence par cette comparaison avec les bandes de soldats, ligne 20.
  • "ces multitudes s'acharnent" : l'hyperbole montre bien l'image de la bataille rangée et de la violence des combats
  • L'énumération de nombres lignes 24 et 25, précédé de "tantôt" en anaphore montre bien toutes les combinaisons possibles et donc le peu de justification de la guerre : si l'on se bat sans raison, l'allié peut facilement devenir un ennemi et vice versa.
  • L'ironie, présente dans tout le texte, est particulièrement sensible dans la conclusion, introduite par "Le merveilleux" est se terminant par "exterminer son prochain"… Evidemment, il s'agit là d'une antiphrase.
  • Le paradoxe : quand l'auteur affirme que les puissances qui se battent ont un même point de vue, il les met en réalité d'accord sur "un seul point : celui de (se) faire (les unes aux autres) tout le mal possible"! (l. 27).

La grammaire

  1. Le temps employé est le présent de l'indicatif : on est dans la vérité générale, l'habitude, la définition.
  2. Les déterminants et pronoms utilisés pour les personnes et les groupes restent indéfinis : "un généalogiste prouve à un prince", "une maison", "des peuples", "des moissonneurs", "cinq ou six puissances", "les unes contre les autres", "chaque chef", "son prochain" : tout le monde peut être concerné; c'est encore une forme de généralisation. On n'en connaît pas le nombre exact, mais il semble que chacun prenne part à ces guerres…
  3. L'analyse logique est très efficace pour révéler la démarche de l'auteur, dans les trois premières phrases.
    • PHRASE 1: Pour décrire les raisons du prince, une suite de subordonnées en cascade, avec des antécédents de plus en plus lointains : ce sont des raisons peu sérieuses, qui se dissolvent dans le temps : "prouve à un prince qu'il descend en droite ligne d'un comte dont les parents avaient fait un pacte de famille il y a trois ou quatre cents ans avec une maison dont la mémoire ne subsiste plus" (C'est l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours…)
    • PHRASE 2: Avec la ponctuation [:], on s'attend à une conséquence logique. "Le dernier possesseur est mort d'apoplexie :" (= donc) "le prince et son conseil voient son droit évident. " Il n'y a bien entendu aucune relation de cause à effet entre la mort de l'un et l'envie de s'approprier le bien d'autrui de l'autre!
    • PHRASE 3: une suite de relatives (1° "qu'elle ne le connaît pas", 2° "qu'elle n'a nulle envie d'être gouvernée par lui", 3° "que pour donner des lois, il faut le consentement des gens" forme trois bonnes raisons qui valent moins que la seule décision arbitraire du prince "ne parviennent pas aux oreilles du prince dont le bon droit est incontestable" Incontestable, mais justement trois fois contesté !
    L'analyse logique révèle donc ici
    1) que les mots ont peu d'effet face à la force brutale,
    2) que tous les prétextes sons bons pour se battre,
    3) qu'il est parfois difficile de trouver les causes réelles d'une guerre,
    4) qu'en général celles-ci n'ont que peu de rapport avec le bon droit de chacun.

Le ton du texte

L'ironie est sensible dans l'évocation du prince poussé à la guerre par diverses personnes (généalogiste, conseil). Chacun y trouvera son compte, s'il remporte la victoire. La description de l'armée est caricaturale et méchante : ce sont des hommes "qui n'ont rien à perdre", habillés de vêtement grossier et bon marché, à qui l'on a appris non pas à se battre mais à s'aligner, que l'on fait "tourner à gauche et à droite", et qui vont perdre la vie afin que le prince puisse "marche(r) à la gloire" (ligne 13) Plus loin, "cette équipée" couvre une petite étendue de pays de "plus de meurtriers mercenaires que " suivi d'une énumération de sanguinaires barbares aux noms exotiques et aux coutumes tristement célèbres. L'hyperbole fait d'un simple militaire (ou d'un militaire un peu simple) un monstre assoiffé de sang… La satire est d'autant plus cruelle que l'auteur semble mépriser le soldat de base : "vendre leurs services à quiconque veut les employer" : On ne choisit même pas son camp, on se loue au plus offrant… D'ailleurs on se bat "sans savoir même de quoi il s'agit" (ligne 23) : le soldat selon Voltaire est intéressé par l'argent, bête et discipliné!

Conclusion

Ce texte présente avec ironie un tableau très négatif de la guerre.

Pourquoi se bat-on, selon Voltaire ?

  • Le prince se bat pour le prestige, la gloire, la possession d'une terre qui n'est pas la sienne
  • Le soldat parce que c'est son métier et qu'il n'a pas le choix
  • Le mercenaire, parce que cela rapporte de l'argent, et même s'il faut trahir ses alliés
  • Certains pour le plaisir de la violence, le goût du sang et de la mort, par curiosité ou par simple bêtise
  • Chacun pour soi, ses propres intérêts, sans tenir compte des grands principes et de la vie humaine
  • Et Dieu pour tous, qui est invoqué par chacune des armées avant d'aller exterminer l'autre…

Comment Voltaire juge-t-il la guerre ?

  • C'est un combat sans noblesse, mercantile : le soldat est utilisé par le chef, le chef est lui même poussé par ses conseillers et par l'appât de l'argent.
  • La religion a souvent cautionné, justifié les guerres, quand elle ne les a pas elle-même provoquées.
  • Chaque soldat est un assassin, un meurtrier, qui peut sur le champ de bataille se laisser aller à ses plus bas instincts : c'est d'ailleurs ce qu'on lui demande…

Moralité

L'homme intelligent, honnête, le philosophe, l'esprit éclairé ne peut pas avoir envie de faire la guerre, s'il a bien lu le message de Voltaire.

 

Exercices

  1. Situer le texte. Les Lumières ? Pourquoi avoir choisi cette forme au XVIIIe siècle ?
  2. Repérer quatre champs lexicaux et en déduire le plan du texte
  3. Repérer huit figures de style différentes - Nommer et commenter (présentation tabulaire)
  4. Trouver au moins trois exemples d'antiphrases. Quel est le ton du texte ?
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