Lectures méthodiques

Heureux qui, comme Ulysse… "

Auteur Du Bellay
Origine du texte Manuel Hatier bleu, page 67
Introduction Publié en 1558, ce recueil traduit la déception éprouvée par Du Bellay lors de son séjour à Rome : il s'attendait à trouver la grandeur de la Rome antique, il découvre une ville en ruines et les intrigues de la Cour pontificale; Les Regrets expriment la souffrance de l'exil, et peignent férocement les travers des courtisans.
Références Les Regrets, 1558 - Sonnet XXXI

 

Situation:
La forme poétique utilisée ici est le sonnet : 14 vers en alexandrins.
Ce texte a été composé à l'occasion de son voyage à Rome. Du Bellay y a accompagné son oncle qui était cardinal (pendant trois ans, de 1553 à 1556) afin de lui servir de secrétaire d'ambassade.
Cette expérience s'avère décevante et va être traduite en poésie dans deux recueils : Les Antiquités de Rome et Les Regrets.
Ce dernier est publié en 1558. Il compte 191 sonnets. Dans la dédicace au lecteur, il évoque "un goût à la fois de fiel, de miel mélangé de sel" et montre sa triple inspiration : "fiel" pour l'amertume de l'exilé, "miel" pour la douceur de la nostalgie et "sel" pour le piquant de la satire.
Ce sonnet, tiré des Regrets, est réputé pour être l'emblème de la nostalgie (de nostos, le retour et algie, la douleur).

Annonce du plan :

Étude linéaire.
1- Premier quatrain : Évocations mythologiques
2- Deuxième quatrain : Le désir de retour
3- Tercets : Les préférences - portée morale

(N.B : Les couleurs dans le texte reproduit correspondent aux couleurs dans les explications. D'autre part, les mots en caractère gras doivent être compris avant d'être utilisés...)

I) Le premier quatrain
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme
cestui-là qui conquit la toison,
Et puis
est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !


Ton grave : Une seule phrase, de tonalité sublime (Ex. de la Bible, des Béatitudes ("Heureux les pauvres d'esprit, car...")
Évocation d'Ulysse
: Héros de la nostalgie qui dut lutter pour rentrer chez lui, et qui y parvint après dix longues années. "beau voyage" masque un peu les périls qu'il dut affronter !
Valeur du passé composé : l'aventure est envisagée après coup, achevée.
Évocation
par périphrase de Jason et de son succès : (v.2) : Deux exemples de guerriers, de combattants efficaces ou rusés, d'hommes forts : des "battants".
Le retour comme achèvement bénéfique du voyage
: Ce qui est important pour Du Bellay c'est de revenir vivant et en bonne santé, "Plein d'usage et raison". Place du verbe "Vivre" en début de vers (pour profiter de son enrichissement) - Place des "parents" au centre (pour partager son enrichissement)

II) Deuxième quatrain

Q
uand reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en
quelle saison
Reverrai
-je le clos de ma pauvre maison,
Q
ui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Le ton change : apparition du "je" : tonalité lyrique, plus d'intimité. Une seule phrase mais interrogative : le doute, la crainte.
La force du désir de retour
: attaque consonantique dure [k] dans deux vers : quand, quelle = sanglots retenus ? ; associé au mot "Hélas" et à la ponctuation "!" : élégiaque ;
Dans la répétition du verbe revoir au futur : espoir et même certitude, liée à l'impatience : Ce n'est pas "Reverrai-je" mais "quand reverrai-je"
Le pays natal
:désigné à l'aide de termes affectifs : adj. possessifs, qualificatifs qui minimisent et semblent même dévaloriser. Lexique prosaïque avec une insistance sur la modestie et la petitesse : "pauvre maison", "petit clos" : un petit chez soi vaut mieux qu'un grand chez les autres...
Cependant l'importance de ce "chez soi" est mise en valeur par l'ordre des propositions : le premier point abordé est celui qui est personnel à l'auteur. Souvenirs magnifiques, idéalisés. Ton différent du premier quatrain. Le premier était plus héroïque, épique, le second est plus lyrique.
Assimilation finale entre "pauvre maison" et "province" (qui à l'époque signifiait "royaume") : valeur affective décuplée
Deuxième hémistiche : "et beaucoup d'avantage" : l'expression semble imprécise (deux adverbes) mais traduit parfaitement le caractère inexprimable de la nostalgie et de l'amour du pays natal.

III) Les tercets :

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux
Que des palais romains le front audacieux
Plus
que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,

Plus
mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus
mon petit Liré que le mont Palatin,
Et
plus que l'air marin la douceur angevine.

Anjou
: la simplicité / Rome : le sublime, le grandiose
Ces deux tercets forment une seule phrase, avec anaphore de "plus".
Figure récurrente : l'antithèse (opposition Rome / Anjou)
Effets de symétrie évident dans l'antithèse Rome / Anjou
Le séjour ancestral est valorisé par rapport aux sublimes attraits de Rome.
les hauts-lieux romains cités ne suffisent pas...
Symétrie aussi dans l'opposition des déterminants aux vers 12 et 13 : articles définis pour Rome / Adjectifs possessifs pour Anjou.
Contre l'excès de symétrie, pour rechercher une plus grande souplesse :
1)il utilise un chiasme dans le premier tercet (déf. : Lorsque des termes symétriques sont disposés selon le schéma A-B-B-A, on parle de chiasme). Ici, les expressions symétriques sont les groupes nominaux dont les noms suivants sont les noyaux : Séjour(A)- palais(B) - marbre(B) - ardoise(A) (regarder dans le texte : les GN en vert encadrent les GN en mauve!
2)il ne répète pas "me plaît" dans le second tercet.
3)il éclate la locution "plus que" dans l'avant-dernier vers
4)il déplace "que" dans le dernier vers ("que" n'est plus entre Rome et Anjou) .
Dernier vers : le narrateur souligne sa préférence en terminant par l'Anjou et par une rime féminine qui donne toute sa douceur au vers. L'absence de chute, peu courante, produit ce même effet de douceur. (Rappel : la chute est le dernier vers d'un sonnet, dans lequel l'auteur introduit un élément de surprise ou une morale. Ici, il n'y en a point. cf.
Conclusion
:

Ce poème est en apparence très simple parce que profondément humain mais il est néanmoins le résultat d'un travail très minutieux et très approfondi utilisant toutes les qualités de la grammaire et de la rhétorique.
De plus, par son vocabulaire simple, par le choix de ces images, il réussit à transmettre ce sentiment de douce tristesse que chacun a un jour ressenti. Snif ! Quel talent, ce Joachim !

 

" Quand vous serez bien vieille… "

Auteur

Ronsard

Origine du texte Manuel Hatier bleu, page 75
Introduction Ce recueil écrit pour une suivante de la reine, Hélène de Surgères, qui vient de perdre son fiancé, est marqué par l'évocation de la vieillesse et de la mort, mais Ronsard y affirme aussi l'urgence de vivre.
Références Sonnets pour Hélène, 1578 - 11,43.

 

 

Comme un chevreuil… "

Origine du texte Manuel Hatier bleu, page 73
Introduction Publié en 1552 le recueil des Amours évoque Cassandre Salviati, jeune Italienne croisée à Blois sept ans auparavant.
Auteur  
Références Les Amours, 1552 - Sonnet XLIV.

 

 

"Demain, dès l’aube… "

Auteur Victor Hugo
Origine du texte Méthodes et techniques Nathan, page 108 n°6
Introduction Célèbre texte rédigé à l'occasion de l'anniversaire de la mort de sa fille Léopoldine...
Références Les Contemplations, 1856

 

Étude du rythme
Vers binaires et ternaires (le trimètre)

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,    (2,2,2,3,3)
Je partirai - Vois-tu, je sais que tu m'attends.                   (4,2,2,4)
J'irai par la fot, j'irai par la montagne,                            (2,4,2,4)
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.               (3,3,3,3)

Je marcherai -|- les yeux fixés -|- sur mes pensées,        (rythme ternaire : 3 groupes de 4 )
Sans rien voir au dehors ,-|- sans entendre aucun bruit,  (vers binaire)
Seul, inconnu,-|- le dos cour, -|- les mains croisées,   (vers ternaire)
Triste-|-, et le jour pour moi  sera comme la nuit.             (contre-rejet : césure reculée)

 

Le Mal

Auteur Arthur Rimbaud
Origine du texte Manuel Hatier rouge, page 255
Introduction La dénonciation de la guerre est liée, chez Rimbaud, à la fois au refus de toutes les formes d'autorité et de violence et à l'horreur que lui inspire la guerre de 1870. Le titre du poème est significatif de l'engagement de son auteur.
Références Poésies,1870-1871

 

Versification : Sonnet en alexandrins. rimes croisées dans les deux quatrains, rimes embrassées puis suivies dans les tercets. Une chute avec point d'exclamation présente le point culminant de la critique. Contre-rejet aux vers 8 et 12, l'un pour une apostrophe, l'autre pour introduire une seconde idée. De nombreux enjambements que l'on peut expliquer par la structure.
Rejets,contre-rejets et enjambements
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
î
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu,
Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille
Croulent les bataillons en masse dans le feu,

Tandis qu
'une folie épouvantable broie
î
Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant;
- Pauvres morts ! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,
Nature ! 0 toi qui fis ces hommes saintement !…

- Il est un Dieu, qui rit
aux nappes damassées í
Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or ;
Qui dans le bercement des hosannah s'endort,

Et se réveille, quand
des mères ramassées í
Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !

Structure : L'auteur cherche à émouvoir, et pour cela il choisit de briser la versification en lui donnant la tournure d'un récit. Tout le texte est constitué d'une seule phrase, introduite par deux subordonnées circonstancielles de temps. Le sujet se trouve au vers 9 : "Il est un Dieu" : après un long constat sur la situation de guerre (1e et 2e quatrains) Rimbaud présente, dans une violente critique, l'attitude de Dieu vis-à-vis de ses fidèles. Ce texte présente, au présent, un constat d'échec.
Champs lexicaux :

- les couleurs : rouges (1) bleu (2) écarlates ou verts (3) d'or (10) noir (13)
- la guerre : mitraille (1) Roi (3) bataillons (4) cent milliers d'hommes(6) fumant (6)
- la religion et la richesse : saintement (8) Dieu (9) autels (10) encens (10) calices d'or (10) hosannah (11) + un gros sou (14) qui par sa solitude, s'oppose à toutes ces richesses.
- l'horreur : crachats a) raille (3) dans 1 la (y folie épouvantable (" broie (5) tas fumant (6) morts (7) rit (9) angoisse (13) pleurant (13) vieux bonnet (13) mouchoir (14)

Quelques figures de style :

Personnification de la guerre (5) Hyperboles (4, 6) font de la guerre une chose difficile à comprendre, à maîtriser, à évaluer.
Au contraire les humains sont transformés en choses (en masse , un tas fumant)
Une apostrophe (8) s'adresse à la Nature, lui donne le rôle de créateur (rôle divin), et montre l'incompréhension du narrateur face au comportement de ces créatures qui s'entretuent.
Une accumulation (10) dans laquelle se mélangent les religions qui croient en un seul Dieu (monothéïstes) décrit le monde de l'église et ses richesses : c'est un monde qui profite de la guerre.

Idées :

Les couleurs du début séparent le monde en deux : le bien et le mal, le paradis et l'enfer, l'homme et la nature.
Les horreurs de la guerre, dans laquelle les hommes sont détruits comme s'il ne s'agissait que d'objets, sont présentées grâce à des métaphores et des hyperboles ("crachats rouges de la mitraille","en masse dans le feu", "un tas fumant")
Des subordonnées relatives montrent le rôle malsain de ceux qui dirigent tout (le Roi et Dieu) et qui s'en moquent ("Roi qui les raille", "un Dieu qui rit")
Le rôle de Dieu est ici tenu par la Nature, personnifiée dans l'apostrophe, et avec laquelle Rimbaud partage le constat pessimiste de ce que sont devenus les être humains pourtant créés bons (vers 8)
Une religion riche : Richesse (accumulation dans la description) et indifférence ( que l'on appelle à l'aide et qui ne réagit pas). Face à la souffrance, les verbes au présent de l'indicatif -présent d'habitude- décrivent l'attitude divine ("qui rit","s'endort","et se réveille...")
La douleur des mères, pauvres ("vieux bonnet noir") qui souffrent et se sacrifient ( "pleurant", "un gros sou lié dans leur mouchoir") est dépeinte en des termes pitoyables faisant appel au sens de la vue.

Conclusion :

Des images fortes, sous le signe de l'émotion et du lyrisme, servent à choquer, à émouvoir, puis à révolter.
Ce poème montre l'incompréhension et la révolte d'un jeune homme face à la guerre (l'auteur a alors seize ans), face à l'impuissance de ceux qui la font et face au manque de réaction de ceux pour qui l'on se bat. Ce Roi qui se moque, ce dieu qui dort ("il est un Dieu") sont étrangers et insensibles à la souffrance humaine, contrairement à la nature, vue comme la Créatrice. Et les femmes, pour sauver leurs maris et leurs fils, se sacrifient, offrant le dernier sou qui leur reste... à un Dieu qui se nourrit de cantiques ou d'offrandes.
Le titre, elliptique, fait ressortir le côté étrange et grotesque de la situation : ce poème est une sorte de définition absolue de ce qui, pour Rimbaud, est le Mal.

 

L’Ennemi

Auteur Charles Baudelaire
Origine du texte Manuel Hatier bleu, page 302
Introduction Une des constantes de l'inspiration baudelairienne est le sentiment du temps qui passe. Ce sentiment se double parfois de la crainte de ne plus avoir d'inspiration.
Références Les Fleurs du mal

 

Champs lexicaux :
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils!
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

- Ô douleur ! ô douleur
! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!

Mots soulignés
:
verbes indiquant des actions violentes
Les intempéries : ces deux champs lexicaux associés montrent bien que la vie de Baudelaire n'a pas été un "long fleuve tranquille"
La lumière et l'obscurité : deux aspects d'une même vie
Le temps qui passe : c'est le thème même de ce sonnet
Le travail du jardinier : Le poème est une fleur qui ne pousse pas sans peine...
Le "vampire" buveur de vie / La mort (voir la pointe en versification et la conclusion)
Versification : Pourquoi choisir un sonnet, pour parler de la vie du poète ? Le sonnet est une forme de contraintes, donnant d'autre part la possibilité de conclure par une pointe. Ici, les contraintes du sonnet classique sont plus ou moins ignorées (rimes croisées et non embrassées dans les quatrains, par exemple). Cependant, l'alternance de rimes masculines et féminines est conservée. Bref, une certaine liberté, mais un talent certain.
La pointe : marquée par une ponctuation forte et expressive ("!"), elle exprime un paradoxe très intéressant : Plus nous "diminuons" (ou nous sentons diminués) , plus le temps augmente, dans un phénomène de vases communicants : il se nourrit donc certainement de notre déchéance !
Figures de style :

Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage antithèse : ténébreux s'oppose à brillants et montre le contraste entre les deux situations
Traversé çà et là par de brillants soleils; 
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage le mot orage débute la métaphore qui sera filée ensuite à l'aide du champ lexical des intempéries. (mots en vert)
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
  métaphore du jardin, filée (mots en jaune)
Voilà que j’ai touché l’automne des idées, métaphore des saisons. On peut prolonger : Quatrain 1 > été("orage")- Tercet 1 : printemps ("fleurs")- Tercet 2 = hiver : vieillesse, mort
Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux. Une comparaison : comparant = tombeaux / comparé = trous outil = comme / point commun = taille ("grands")
 
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve Comparaison : la grève est un endroit en bord de mer, de fleuve...
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ? métaphore filée de l'inspiration comme force vitale qui se nourrit de la vie et qui épuise l'homme. (mots en jaune et bleu)
 
-Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie, Apostrophe : exclamation, plainte et reproche à la fois (tonalité élégiaque)
Et l’obscur Ennemi  qui nous ronge le cœur Allégorie : Abstrait, le temps devient le Temps, quelque chose de concret, à combattre
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

 

Procédés d'énonciation : Grâce à la première personne, dans ce texte se confondent narrateur et auteur. Le personnage est bien un poète, qui parle de lui, utilisant deux fois l'adjectif possessif et deux fois le pronom personnel de première personne. Cependant, à la fin du texte, il nous associe à sa détresse, en tant qu'êtres humains (v. 13, 14 : "nous")
Idées : Dans la première strophe, une métaphore filée établit une analogie entre les âges de la vie et les saisons. La seconde strophe évoque l'automne, saison de l'âge mûr, où arrive le défaut d'inspiration. Le champ lexical de la mort apparaît. Dans le premier tercet, "les fleurs nouvelles", les idées neuves, sont rêvées, espérées, attendues. Enfin, dans la dernière strophe, le Temps est présenté en allégorie comme un vampire, buvant la vie et rongeant le cœur de l'homme. Il lui prend sa force et ses idées.
Conclusion :
Le poète vieillissant exprime ici son angoisse devant l'âge qui avance, et la mort qui approche, surtout que cette vieillesse s'accompagne de la perte de l'inspiration. Il le fait dans un sonnet, choisissant ainsi une contrainte formelle qu'il affectionne et qui montre qu'il n'est pas tout à fait incapable. Il le fait en utilisant avec talent une métaphore filée sur les saisons représentant les âges de la vie, image courante mais utilisée ici avec originalité : en effet, le narrateur est tout à la fois un ex-poète génial ("de brillants soleils"), un actuel "jardinier" se raclant le cerveau et cherchant désespérément à faire fructifier ses derniers talents et, comme nous tous, un futur mort, un être humain en sursis, inexorablement poursuivi par le Temps.

 

L’Albatros

Auteur Charles Baudelaire
Origine du texte Manuel Hatier bleu, page 301
Introduction Dans les Fleurs du mal, le poète exprime ses angoisses, ses doutes et ses espoirs. Le recueil analyse deux états opposés : le spleen, souffrance physique et morale, et l'idéal, qui exprime l'élan vers le beau. Dans L'Albatros, l'oiseau libre maltraité par les hommes illustre cette double obsession.
Références Les Fleurs du mal, " Spleen et Idéal ", 111.

 

Attention à ce commentaire tiré directement du manuel, et placé ici en introduction du texte : Évitez de le reprendre trop rapidement à votre compte ! L'albatros n'est pas tellement maltraité par les marins : il est juste ridicule, et pour cela ridiculisé. Ce que Baudelaire met en avant, c'est l'aspect grotesque de cet oiseau, quand il en vient à se poser sur le sol. Celui qui était qualifié de "roi de l'azur", de "prince des nuées", était bien magnifique dans les airs, et c'était même un "compagnon de voyage" pour les "hommes d'équipage" qui l'admiraient tant qu'il était là-haut. Mais tout le monde voit bien son inaptitude "sur les planches", ici-bas, et c'est ce dont se moquent les marins. Baudelaire lui-même, dans la description qu'il en fait insiste bien sur cette duplicité : "l'infirme qui volait" est décrit par le poète avec de nombreux termes négatifs, voire humiliants, et chaque fois par paire :"maladroits et honteux","gauche et veule","comique et laid". Il n'a plus rien, il n'est plus rien, sur terre, et il doit lui-même en éprouver un sentiment de honte, d'humiliation. Le second adjectif de chaque paire, en personnifiant l'animal, nous montre plus précisément la relation métaphorique entre cet oiseau et ce que ressent le poète, dans la vie de tous les jours. Il se sent handicapé par son talent, solitaire "exilé sur le sol", et son regard sur les autres finit par se borner à ne voir que des insultes autour de lui, ce qui est bien montré par la synecdoque : "au milieu des huées".